À la table du café : un micro-récit non édité


À la table du café, elle regarde par la fenêtre les passants déambuler sous une pluie d’automne... Elle est brumeuse comme ce temps, cet instant flou de la saison des effeuillements. Autant elle aime le printemps, autant elle crispe ces jours de pluie. Elle sait ces mélancolies passagères, simples bateaux sur la mer des saisons.

Hier encore, le soleil chauffait d'écarlate la promenade au parc. Elle était joyeuse, l'écharpe venteuse au nez des oiseaux. Elle sentait la terre, la vie là, chapeautée sous les nervures des arbres. Elle compliquait pas. Elle savait la joie, le bonheur, l'instant. L'automne n'est pas vraiment une fin, mais le marron encoqué, fruit d'une autre chair, d'une douceur plus amère, mais si tendre au palais.

Après cette parade d'eau et d'humidité, avec ses passants en poissons sans bocal, viendront les fêtes de Noël et d'autres chansons, verdures sapinières dans le houx des neiges.

À la table du café, elle regarde par la fenêtre les passants déambuler sous une pluie d'automne. Oui, elle crispe les jours de pluie, mais elle aime aussi cette page tournée en bord de thé, ces parfums mélangés, ce cocon au milieu des bruits. Elle voyage, glisse, patine déjà sur les mots, frissonne de plaisir à cette phrase qu'elle lit sur cette banquette où elle a ses habitudes. Là, elle sourit. Oui, elle sait qu'elle est bien ! Le parapluie goutte à ses pieds, il se réchauffe, se débrume du vent et des passants tristes.

— Garçon, un Earl Grey, s'il vous plaît !

La liseuse recommande quelques minutes de plaisir. Soudain, sur sa page s'échappe une lumière de ciel. C'est le soleil en clin d'oeil qui s'invite.

 

Sandra Dulier, Plume Funambule